[|[(Le Dakar, laboratoire du développement durable ?)]|]
QUOTIDIEN : mercredi 24 janvier 2007
Le Dakar, un nouveau moteur pour le développement durable ?
Le grand spectacle du Dakar, épreuve phare de la compétition automobile mondiale, cache assez mal l’insupportable conflit de performances qui s’y joue. Plein cadre, des engins rutilants conduits avec maestria par des femmes et des hommes se mesurant sur le registre du dépassement de soi. En contrechamp, des infrastructures rudimentaires tenues à bout de bras par des femmes et des hommes dont la performance consiste à gagner 1 euro par jour pour « nourrir » la famille.
Certes, un effet induit presque bénéfique échappe à la caravane qui passe : la population locale a appris par nécessité comment récupérer les fûts de carburant vides, les découper et les utiliser comme tôle pour réparer la toiture de la case ; cette même population a découvert aussi que l’huile de vidange peut servir pour badigeonner le bois qui sert de charpente et ainsi la protéger contre l’humidité et les insectes. Le partage de l’abondance s’arrête cependant ici, et la population reçoit pour le reste les nuages de pollution que la technologie triomphante laisse, sans vergogne, sur le chemin de son épopée. Ne faut-il pas avancer les termes d’une critique plus inventive ?
Le Dakar ne pourrait-il pas devenir le modèle de la course au développement durable, la première course mécanique valorisant la performance environnementale ? Imaginons, entre Nord et Sud, des engins utilisant des carburants d’origine végétale produits localement, des bolides faisant la démonstration des avancées technologiques les plus innovantes et dont la performance serait mesurée à l’aune de critères écologiques, une course encadrée non par des techniciens européens mais par des locaux formés à ces technologies propres.
Le gagnant de cette course transformée en véritable laboratoire du développement durable serait alors célébré non plus comme le plus rapide, le plus prompt à passer sur les drames que vivent les populations locales, mais comme le plus propre, le plus économique, le plus socialement performant. Le Sud gagnerait une partie de la maîtrise de son environnement et de son développement, le Nord y trouverait le moteur de quelques avancées technologiques cruciales. Accessoirement, les constructeurs automobiles y gagneraient une vitrine médiatique dont, enfin, ils pourraient décemment être fiers.
Yves Guibert, membre d’IDS (Initiatives Développement Stratégies), Lyon France