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mercredi 6 août 2008
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-

L’utilisation de l’eau à des fins sportives : quelle légitimité ?

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L’utilisation de l’eau à des fins sportives : quelle légitimité ?

Auteur : Nathalie Durand, Fondatrice et Directrice générale de l’Observatoire Sport et Développement Durable (OSDD).
Nathalie.durand@sport-durable.com

[*[orange fonce]1- Exposé des motifs[/orange fonce]*]

L’usage de l’eau varie en fonction des territoires et de l’échelle du temps. Depuis fort longtemps, l’Homme utilise l’eau (pour la pêche, pour faire tourner les moulins,...). Jusqu’au XIXème siècle, l’eau restait de qualité ; puis avec la montée de l’industrialisation (agriculture, industries) et les aménagements hydrauliques (barrages,..) elle connut la pollution. Face à cette multiplicité des usages de l’eau, nous nous posons la question suivante : dans quelles conditions l’utilisation de l’eau est légitime ? Nous nous intéresserons ici à l’utilisation de l’eau à des fins sportives en proposant un éclairage managérial, politique et sociologique, en apportant des éléments d’aide à la décision à destination des acteurs sportifs et non sportifs et en présentant une méthodologie opérationnelle conçue à partir de travaux issus de la sociologie qui, par ses courants divers permettent d’appréhender de différentes manières une même situation.

1-1 L’utilisation de l’eau à des fins sportives

L’institutionnalisation des pratiques sportives date du XIXéme siècle ; pour autant les pratiquants étaient peu nombreux, les infrastructures sportives restreintes. De nos jours, la pratique sportive regroupe de nombreux acteurs aux logiques parfois différentes : des fédérations sportives, des clubs sportifs, des prestataires de services, des entreprises, des collectivités territoriales, des tour-opérateurs, des supporters, des téléspectateurs, des pratiquants. Par conséquent, les acteurs sportifs sont amenés à négocier entre eux mais également avec d’autres usagers soit pour pratiquer leur activité, soit pour aménager des équipements sportifs. Alors comment légitimer l’utilisation de l’eau à des fins sportives en sachant que :
 la ressource en eau connaît une fragilité croissante voire une raréfaction,
 l’eau est convoitée pour de multiples usages.
1-2 La légitimité du sport : un sujet ignoré
Un début d’explication peut-être apporté sur trois points :
 une logique économique : par exemple l’impact sur le milieu des canons à neige face à l’économie des stations de sports d’hiver,
 une hiérarchisation des impacts (l’industrie chimique face à l’industrie sportive : le faible impact de la pratique sportive sur le milieu eau face à des industries chimiques qui y déversent des produits toxiques),
 une raison philosophique : la société s’est bâtie sur l’Homme en tant qu’unité, un Homme, une opinion, un expert, un propriétaire privé,…. Pour renforcer cette idée d’unicité, la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen place l’Homme au cœur de la société mais ne l’y intègre pas : Les êtres sont considérés comme « individuels, libres de toutes attaches » .
Or, les êtres humains sont de plus en plus nombreux et leurs activités ont de plus en plus d’impact sur notre planète. Dans ce contexte, le sport au même titre que les autres activités humaines a un impact sur l’environnement. Il est donc logique que des négociations s’instaurent pour la pratique des activités humaines et sportives au regard de leurs enjeux respectifs. La loi sur l’eau de 1992 du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux, le SDAGE, a exigé une gestion intégrée de l’eau pour " fixer pour chaque bassin les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau " (art.3) . Cette procédure amène à s’interroger sur l’aménagement du territoire, les enjeux et les relations des différents acteurs et plus largement sur la question de la pérennité de la ressource en eau dans un contexte de multi-usages. De plus, cette loi défend les activités jugées d’intérêt général et répond à la multiplication des usages (agriculture, pêche, loisirs, sports nautiques, hydroélectricité, besoins industriels,…) en instaurant des commissions de bassin, des conseils locaux en eau en vue de négociations entre usagers. Cette nécessité de prendre en compte les multiples usages liés à l’eau a aussi été soulignée par l’Unesco qui reconnaît que l’eau est une valeur à la fois sociale, écologique et économique, trois valeurs interdépendantes et complémentaires.
C’est au regard de cette interdépendance et de cette complémentarité des multi-usagers de l’eau que nous allons proposer une méthodologie de concertation opérationnelle pour répondre à la question : l’usage de l’eau à des fins sportives : quelle légitimité ?

[*[orange fonce]2- Le but de cet article[/orange fonce]*]

L’objectif est de proposer un éclairage managérial, politique et sociologique, sur la légitimité d’utiliser l’eau à des fins sportives. Nous apporterons des éléments de réflexion pour aider les acteurs sportifs et non sportifs à décider collectivement de la légitimité de l’usage de l’eau à des fins sportives. Notre apport méthodologique est de croiser différents outils existants pour animer une gouvernance de l’eau. D’une part à partir d’outils fonctionnels (charte, carte, schémas, dessins, participation citoyenne) comme l’a analysé Catherine Mogenot dans les Plans Communaux de Développement en Wallonie. D’’autre part, en renforçant ses travaux par l’apport de ceux de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe sur le fonctionnement des forums hybrides (la place de l’expert, des observateurs de terrain, la production de nouvelles identités, la co-production de savoirs, les solutions itératives). Cette méthodologie s’inspire donc d’une compilation de travaux pour mettre en place une concertation autour d’un et/ou des enjeux. L’initiateur de la concertation (élu, technicien,...) prendra la décision finale. Les positions antagonistes de départ se façonneront et s’ajusteront au fur et à mesure que les idées circuleront et seront débattues et se concluront par des accords. Le choix final est donc celui qui a été débattu et circulé et non la recherche d’un consensus a minima.

[*[orange fonce]3- Le contexte[/orange fonce]*]

3-1 Les utilisations de l’eau à des fins sportives :
 l’eau en tant que milieu accueille de multiples pratiques sportives (canoë, kayak, rafting, aqua rando),
 l’eau en tant que ressource sert également directement ou indirectement à des activités sportives (canons à neige, piscines, golfs, patinoires),
 l’eau connaît des pollutions : rejet d’insecticide, de pesticide (terrains de sport) dans les eaux de surface ou souterraines,
 l’eau peut-être modifiée par la régulation du niveau : lâcher d’eau d’EDF et pratique du rafting,
 l’eau est tributaire de contraintes objectives : changement climatique et pratique du surf, vagues modifiées,
 l’eau est réglementée : cours d’eau domaniaux : L’eau et le fond sont domaniaux. Les berges appartiennent aux riverains mais sont grevées de 2 servitudes : servitude de halage 1932, servitude de marchepied, accès aux pêcheurs 1965 ,
 l’eau est le lieu d’enjeux collatéraux en raison des multi-usages.

L’eau est ainsi utilisée à des fins multiples - production d’électricité, d’irrigation, d’alimentation en eau potable, pisciculture - qui peuvent être incompatibles avec les pratiques sportives. Une hiérarchie des priorités peut donc sembler nécessaire tant dans l’aménagement de la ressource (barrage) que dans son utilisation. Elle nécessite une prise en compte des besoins à satisfaire et de leur légitimité. . D’après le rapport Brundtland, du nom de l’ancienne premier ministre de Norvège, ancienne directrice de l’Organisation Mondiale de la Santé, le développement durable ou soutenable est « "un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » Cette notion consiste à satisfaire les besoins essentiels (se nourrir, se loger, travailler) et à améliorer la qualité de vie de tout un chacun. Mais comment concilier l’ensemble de ces besoins à la fois entre humains et en réduisant au maximum les dégradations de l’eau ? Wasson, en 1991 , justifie une hiérarchisation des besoins en affirmant qu’une priorité est accordée à la survie des espèces, à la viabilité d’un écosystème entier. Or la question de l’altération des ressources pour la pratique sportive ne se pose pas de manière tranchée, son impact étant moindre que celui des usages industriels. Le sport a cependant une incidence sur le milieu naturel, les populations locales et l’économie, ce qui doit nous interroger sur l’utilité sociale du sport par rapport aux autres usagers. Par exemple, nous devons nous interroger sur l’utilité sociale du sport en regard de l’utilité sociale, de la conservation en l’état des zones humides ?
Le développement sportif comme nous l’avons énoncé ci-dessus induit une utilisation dommageable de l’eau, que ce soit par la dégradation des fonds marins, le prélèvement voire la pollution de l’eau. Deux notions clés nous semblent donc conjointement au centre de cette légitimité de l’utilisation de l’eau, la notion de besoins à satisfaire et celle de leur gouvernance (accords).
Nous allons d’abord définir la notion de besoin sous ses dimensions économique, sociologique et environnementale en nous référant à des travaux sociologiques et économiques. Puis nous analyserons comment ses besoins hétérogènes peuvent s’associer. Enfin, nous proposerons une méthodologie de concertation complémentaire centrée sur la représentativité des enjeux et non des acteurs.

[orange fonce][*4- La notion de besoin sportif : quelle catégorisation ?*][/orange fonce]

Au regard, des travaux de psychologues, sociologues et économistes, nous allons apporter des éléments de réflexion pour catégoriser les besoins sportifs qui légitiment leur utilisation ou non de l’eau.
Le sport est un besoin essentiel pour le développement des êtres humains :
Il a été reconnu d’intérêt général, par l’UNESCO dans sa charte internationale de l’éducation physique par le sport en 1978 [plus précisément dans son article premier qui pose le sport comme un « droit fondamental » pour tout être humain car indispensable à l’épanouissement de la personnalité]. La LOADT de 1999 dite « loi Voynet » sur les Schémas de Services collectifs a confirmé le rôle essentiel du sport en reconnaissant que « les Activités Physiques et Sportives sont un élément de cohésion sociale, de structuration territoriale et d’intérêt général ». . Pour autant le besoin sportif diffère en fonction des pratiquants. Il est déterminé en fonction de la position des sportifs dans l’espace social, par le volume (hiérarchisation) et la structure (répartition des formes de capital) de leur capital social, culturel et économique .

Les besoins sportifs sont parfois ostentatoires :
Une dichotomie entre « besoins superficiels » et « besoins essentiels » semble nécessaire pour appréhender le besoin sportif. Pouvons-nous dire que le sport est inhérent à la subsistance de l’Homme en tant qu’être vivant ? La réponse n’est pas tranchée mais le sport peut-être associé à un besoin ostentatoire . Certains sportifs sont de plus en plus incités à consommer pour l’achat de matériels « superflus ». Il est difficile de résister à notre société d’abondance . Mais cette prolifération des besoins sportifs entretenus par les médias, les produits dérivés sportifs, les supermarchés sportifs est un de nos modèles sportifs.

Les besoins sportifs s’inscrivent dans le courant « minimaliste » :
Un contre-courant à cette consommation sportive que nous pourrions nommer « décroissance sportive » semble devenir une tendance lourde comme les éco-Games Amériques . Les valeurs sportives , sont « naturelles, écologiques, humanistes, authentiques, artisanat, simplicité, rusticité, essentielles ». Les pratiquants sont à la recherche de lenteur, d’itinérance, de rencontre des populations locales, de convivialité , d’une pratique peu onéreuse et soucieuse de réduire l’empreinte écologique . Peut-être une nouvelle ère s’annonce-t-elle, fondée sur un courant sportif minimaliste ?

Le besoin économique et sportif :
Le modèle libéral occidental axé sur le développement économique est très prégnant dans les sports d’eau. Ce sont en particulier les prestataires sportifs et les collectivités territoriales qui le développent. Or sans satisfaction des besoins économique, les valeurs morales semblent impossibles .

Les besoins sportifs sont complexes et hétérogène tant en terme de :
 l’hétérogénéité des personnes : les sportifs sont dotés de caractéristiques physiques disparates, en relation avec l’âge, le sexe, les infirmités ou les maladies. A revenu égal, un handisport n’a pas une qualité de vie identique à un sportif valide,
 la diversité de l’environnement naturel : les paramètres du climat ont une incidence sur l’état du pratiquant sportif (besoin de porter une combinaison, maladie dermatologique,..),
 la disparité de l’environnement social : le besoin varie dans un lieu donné par exemple si le vandalisme prévaut sur l’éducation, vol de matériels sportifs,…
 la relativité des perspectives : les besoins nécessaires varient d’une société à l’autre en fonction des coutumes et des usages (tenue sportswear, matériel sportif, formation…),
 la distribution au sein de la famille : les besoins sportifs sont disparates au sein de la famille en fonction de l’âge, du sexe,…
 la disparité de l’environnement naturel : le besoin sportif doit privilégier une pratique qui réduit au maximum son empreinte écologique.

La notion de besoins sportifs est donc déterminée par des paramètres culturels, sociaux, environnementaux et économiques. Pour assurer les besoins essentiels et plus largement les aspirations de chacun, il faut toutefois trouver des accords qui faciliteront un développement en tenant compte des besoins à satisfaire des sportifs, des autres usagers et de la ressource en eau. Ces besoins comme nous l’avons énoncé ci-dessus sont sociaux, économiques, environnementaux, voire imbriqués. Analyser la légitimité des sportifs pour l’utilisation de l’eau revient à répondre à des « besoins complexes » c’est-à-dire à prendre en compte l’ensemble des besoins à satisfaire mais au regard du principe de précaution, de responsabilité et d’équité pour les générations actuelles et futures. Le devoir qui s’impose est de s’assurer que chaque être humain ait accès à une part légitime, selon ce qui lui est nécessaire et dû . L’utilisation de l’eau à des fins sportives doit donc être négociée en tenant compte des aspects sociaux, économiques, environnementaux et éthiques. Pour y répondre, nous allons montrer comment des accords peuvent être envisagés entre acteurs qui utilisent l’eau avec des finalités différentes voir opposés (écologues, industriels,…).

[*[orange fonce]5 Des référents hétérogènes[/orange fonce]*]

Les besoins humains sont déterminés par des référents qui permettent de : qualifier une situation, surmonter des conflits, juger d’une hiérarchie de valeur ou déterminer l’action qui convient. Les besoins sont donc associés à des enjeux. Pour illustrer nos propos, l’économiste Olivier Godard, dont les travaux, en 2003 , s’appuient sur ceux des sociologues Luc Boltanski et Laurent Thévenot de 1991 nous démontre au travers des modèles de cités comment chaque agent justifie son action au regard d’enjeux congruents à la notion de développement durable.
 la cité industrielle est une entité où la nature est celle qui est valorisée productivement (les barrages, etc.) ; l’autre nature est celle qui est improductive, imprévisible, capricieuse, (fleuve au débit modeste qui ne permet pas la navigation). Dans cette perspective, la biodiversité intéresse les industriels de la pharmaceutique comme source potentielle d’innovations (le marché des algues),
 la cité civique est centrée sur la souveraineté des citoyens formant communauté et sur l’exigence d’équité entre générations actuelles et futures,
 la cité domestique représente symboliquement la famille, fondement de la société humaine, il est donc naturel pour le groupe patrimonial de revendiquer la possession du territoire au nom d’une histoire d’interaction entre Hommes et milieu, mais aussi de veiller au lien intergénérationnel à l’intérieur de ce groupe en agissant pour que le patrimoine reçu soit retransmis,
 la cité de l’opinion se caractérise par l’intérêt que l’on porte aux êtres vivants les plus fameux : les baleines, les phoques, par exemple par opposition aux mouches. Ces êtres reçoivent alors une valorisation sans commune mesure avec leur importance réelle. Cette hiérarchisation ne correspond en rien à celle que pourrait établir l’écologue,
 la cité inspirée est celle où s’instaure un rapport au monde physique et social, « ici et maintenant », par référence à un au-delà, un ailleurs (religion, mystique).

Que nous apprennent ces cités :
Les finalités des cités diffèrent ; pour autant des accords peuvent être trouvés entre leurs divers acteurs : par exemple la pérennité d’une espèce peut être recherchée autant par des industriels pour perpétuer leur commerce (les algues) que par un écologue soucieux de préserver la biodiversité.

Ce référentiel sur le modèle des cités est un exemple qui permet de comprendre les enjeux divergents des acteurs en présence mais cette approche est insuffisante pour appréhender une concertation préalable à une gestion intégrée de l’eau. En effet, un grand nombre de ces acteurs agissent dans des institutions en relation entre elles mais également avec les citoyens. Cette relation de dépendance est par exemple le fait des fédérations sportives : bien qu’elles soient des groupements de droit privé, elles dépendent de l’Etat par leur « agrément » de service public. Avec les lois de décentralisation, depuis 1982, la gestion du sport ajoute une gestion plus transversale à l’échelle locale à une gestion verticale institutionnelle. C’est-à-dire qu’elle prend en compte les collectivités territoriales, les acteurs économiques et environnementaux d’un territoire pour l’élaboration des politiques sportives. Ce changement politique s’est traduit dans la loi du sport 2000 avec la création des commissions départementales des espaces sites et itinéraires (CDESI), instances départementales de concertation entre acteurs, publics/ privés, sportifs/ non sportifs qui permettent de s’adapter aux réalités de terrain. Ces nouvelles modalités de gouvernement renvoient à la notion de gouvernance. Gouverner, ce n’est plus prendre une décision univoque à l’échelle nationale mais tenir compte, à tous les niveaux, du local au national, des acteurs hétérogènes et de leurs enjeux dont les facettes peuvent être différentes . La gouvernance cherche en effet à coordonner et à responsabiliser dans un contexte changeant et incertain . Ce principe de gouvernance est innovant car il repose sur les interactions entre l’Etat et les forces vives de la société. La gouvernance est définie dans le guide SD 21000 de l’AFNOR comme un « un processus de décision collectif n’imposant pas systématiquement une situation d’autorité. Car dans un système complexe et incertain les différents enjeux sont liés et aucun des acteurs ne dispose de toute information et de toute autorité pour mener à bien une stratégie inscrite dans le long terme ». Ce qui importe c’est d’abord de découvrir comment les acteurs concernés par les enjeux pourront interagir et donner un contenu aux décisions . Les nouvelles politiques sont avant tout des négociations entre les politiques existantes et les acteurs eux-mêmes. Nous sommes là dans un contexte d’interdépendance généralisée comme l’a décrit le sociologue Norbert Elias ; non seulement les configurations de relations que constituent les différents acteurs changent, mais également leur environnement. Il faut accepter l’idée que les politiques sont en perpétuelle construction et peuvent apparaître fragmentées, voire contradictoires car tous les problèmes n’ont pas été définis .

Parallèlement à cette configuration de référents des agents et aux transformations apportées par les nouvelles modalités de gouvernance, nous proposons des éléments de réflexion pour une gouvernance de l’eau. Cette méthodologie opérationnelle s’appuie sur les travaux de Catherine Mougenot , Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe .

[*[orange fonce]6 Une méthodologie opérationnelle[/orange fonce]*]

La sociologie modeste de Catherine Mougenot, s’appuie sur les travaux de John Law. Ses caractéristiques sont :
 la symétrie : il n’y a pas de distinction entre les êtres humains et les objets techniques ou naturels,
 le non réductionnisme : il ne faut pas réduire les êtres humains, les objets, les événements à un nombre défini de catégories car ces dernières sont provisoires et inachevées,
 la récursivité : il faut examiner les phénomènes qui sont en train d’émerger, de circuler, car c’est un mouvement qui s’autogénère,
 la réflexivité : le sociologue n’est pas neutre, il s’engage au même titre que les autres acteurs.
Cette sociologie « modeste » instaure une dynamique entre acteurs qui n’avaient pas l’habitude de dialoguer vraiment, pour créer de nouveaux liens, de nouveaux outils.

6-1 Le diagnostic des enjeux ?

La première phase est de diagnostiquer les problèmes pour construire avec ces acteurs un forum qui doit être représentatif des enjeux et non de l’effectif des divers groupes.
Ce forum est composé d’acteurs aux intérêts divergents et convergents. Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe en 2001 affirment que des accords sont possibles en se référant à la notion « d’un monde commun ». Les acteurs du forum sont très différents que ce soit par le caractère instable des identités, la flexibilité des positions et des représentations, la plasticité des connaissances et ils sont susceptibles de se façonner pour s’ajuster les uns aux autres Les protagonistes arrivent avec leurs problèmes, avec leurs angoisses, par exemple de sportifs sur la répartition des lâchers d’eau, avec leurs revendications concernant l’organisation de la pratique sportive et leur indignation contre l’interdiction qu’opposent d’autres usagers à certaines pratiques sportives . C’est parce qu’ils ne laissent pas leur identité et leur problème au vestiaire qu’ils peuvent échanger avec d’autres acteurs, discuter à la fois de leur identité et du bien commun.
Dans le diagnostic, les acteurs réunis doivent être rassemblés en fonction des enjeux. Ensuite, il convient de comprendre la construction d’une situation problème.

6-2 Analyse d’une construction de situation problème

A partir des catégories de pensée des acteurs, de leur référent :
 réglementaire,
 société civile,
 scientifique,
 …
c’est analyser les conflits, les valeurs,…


6-3 Les formes argumentaires, vers quelle finalité tendent-elles ?

 développer le sport,
 développer le sport en collaborant avec d’autres acteurs,
 développer le sport pour éduquer à l’environnement,
 développer le sport pour attirer des personnes sur un territoire,
 définir des droits et des devoirs à disposer de la nature,
 …

6-4 Les pratiques sociales induites pour l’utilisation de l’eau

S’appuyer sur des outils opérationnels comme la carte, les schémas, les dessins.
Mentionner qui utilise l’eau, l’attachement que chacun peut exprimer à l’eau, ses motivations à utiliser l’eau, ses priorités, ses problèmes principaux ;…
Faire un carnet de partenariat en présentant les partenaires.


6-5 Argumentaires dans les discussions

Les questions posées ont pour but de savoir par exemple :
 de quel usage de l’eau parlons-nous ? de l’utilité d’un lac artificiel (production d’électricité), de la quantité d’eau (pour pratiquer le raft), de la qualité de l’eau (poissons), de sa propreté (absence de bouteilles, papiers) ;
 de quel sport parlons-nous ? la pratique à but scientifique (canoë kayak et ornithologie) la pratique à finalité sportive ?
 de quels intérêts économiques parlons-nous ? l’utilisation de l’eau à des fins marchandes (prestataire de service en sport d’eau,..), le développement d’un pôle aquatique, la viabilité des autres usages ?
Avec cet argumentaire, les résultats seront variables et imprévisibles et ainsi les identités référentes des acteurs changeront et se redéfiniront dans l’action et dans ou par le jugement d’autrui.


6-6 Etablir des procès verbaux de réunion

Ils favorisent l’engagement et la communication.

6-7 Rédaction de fiches projets : guides pour organiser l’action collective

Par exemple, protéger les frayères en détaillant les différentes étapes logistiques :
 quels sont les acteurs directement impliqués ?
 quelles sont les compétences qui sont requises ?
 de quel usage de l’eau parlons-nous ?
 quels sont les finalités de l’action qui sont mobilisés ?
 quel coût financier ?
La réponse à ces questions peut amener des réponses contrastées.
6-8 Signer une charte
Cette charte servira à exprimer l’engagement des partenaires, à les responsabiliser : c’est un outil qui a une force « morale ». La charte, c’est une manière de faire collaborer de nombreuses personnes et de relier le passé, le présent et surtout l’avenir. La charte est un document stratégique, une promesse, c’est la construction d’une vision générale pour la nature autant que pour les personnes qui veulent s’en porter garantes. Cette charte est signée par les différents acteurs.

[orange fonce][*7 Des outils fonctionnels : la carte, les schémas et les dessins*][/orange fonce]

Partant de l’idée qu’un dessin vaut mieux qu’un long discours, les représentations graphiques facilitent le débat, permettent de positionner les points de discorde et aident à trouver des points de négociation.
Pour résoudre les problèmes, la carte et les schémas sont donc des outils fonctionnels :
Ils fixent les enjeux dans l’espace, ils se réfèrent à l’échelle communale, intercommunale, départementale, nationale, à une logique de massif, à un Parc naturel régional, à une réserve naturelle,…
La carte doit permettre d’évaluer rapidement des compromis qui peuvent être réalisés.
Dans ce but, on peut y mentionner :
- l’espace des usages
- les lois et règlements inhérents à ces espaces,
- l’interdiction de pratiques sportives et les modalités de compensation,
- …
La carte et les schémas permettent de légitimer les espaces au regard des acteurs, de réunir des connaissances hétérogènes mais ils facilitent également leur acceptation par le forum des partenaires, par les décideurs et plus largement par les acteurs d’un territoire. La carte et les schémas sont un édifice mental combinant valeurs référentes générales (être reconnu comme utilisateur légitime de l’eau,..) et concepts (besoins, principes de précaution et de responsabilité). Sur la carte et les schémas se juxtaposent les priorités de l’utilisation de l’eau et les priorités humaines. Ces outils fonctionnels servent d’interface entre savoirs d’expert, observateurs de terrain et réglementations. Ils permettent de révéler à chacun des acteurs, des aspects qu’ils ne connaissaient pas ou sous-estimaient. Ils contribuent à des prises de conscience, à un approfondissement et à un enrichissement à la fois individuel et collectif. Ils sont donc des outils fonctionnels pour comprendre l’ensemble des points de vue, pour penser et communiquer ensemble et une aide pour co-construire une décision cohérente et pertinente. Ainsi on peut accepter les arguments des autres sans se déjuger, puisqu’il devient possible d’organiser l’espace à partir d’une représentation qui devient partagée.

[orange fonce][*8- Qu’est-ce qui est collecté et comment ?*][/orange fonce]

Des idées vont et viennent en fonction de la représentation des enjeux, qu’ils soient cartographiés, schématisés ou dessinés. De nouvelles règles collectives s’instaurent, de nouvelles relations se nouent, de nouvelles connaissances s’élaborent, des liens entre des sites vont suggérer des liens entre personnes qui se mobilisent pour des problèmes identiques (l’accès à l’eau, le bruit, la biodiversité, …). L’initiateur de la concertation (élu, technicien,...) prendra la décision finale.
Le choix final sera celui du projet qui a circulé et a été débattu et non de ce qui a été souhaité par tous de la même façon, pas de consensus a minima. Les perspectives de chacun peuvent rester différentes voire même s’opposer. Quoi qu’il en soit les actions pour être durables doivent se concrétiser par accords, labels, charte Parc naturel régional, contrats. Ce projet devient ainsi un mode d’articulation pour préserver l’eau mais aussi les ressources identitaires et économiques.

[orange fonce][*9- Connaissances*][/orange fonce]

La production des connaissances suppose la confiance dans ceux qui la produisent.
Les connaissances scientifiques doivent être associées les unes aux autres mais aussi aux intérêts des observateurs de terrain, aux références locales qui concernent les humains et les non-humains (l’eau).

[orange fonce][*10- La place de l’expert*][/orange fonce]

Il n’y a plus de vérité absolue même pour l’expert, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de point de vue qui pourrait surplomber tous les autres par une légitimité qui lui serait donnée par avance ou par essence. L’expert n’a le plus souvent connaissance que d’une petite partie du problème réel à résoudre ce qui est insuffisant pour prendre une décision globale ou transversale. De plus, ces résultats sont parfois généralisés sans tenir compte d’un contexte différent.

[orange fonce][*
11- Conclusion, apports, limites*]
[/orange fonce]

11-1 La carte, les schémas et les dessins sont des outils opérationnels

Cette approche qui s’appuie sur trois objets, la carte, les schémas et les dessins, comme outils de discussion, de compromis, d’actions, émane d’une réunion d’acteurs privés, publics, scientifiques, gestionnaires, observateurs de terrain dont chacun nous apprend comment agir dans le milieu eau. De nouvelles configurations d’acteurs naissent entre pratiquants de sports d’eau et scientifiques, pratique de sport d’eau et sécurité, pratique de sport d’eau et production de biens marchands,... Ces outils permettent d’apprendre, d’amasser des connaissances pour agir de manière plus citoyenne.

11-2 Une co-production des savoirs

Ces projets permettent aussi ce que Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe en 2001 ont appelé les processus de co-production des savoirs, c’est-à-dire des apprentissages collectifs et croisés où les différents savoirs s’enrichissent mutuellement en s’appuyant sur un groupe donné, (engagés ou passionnés), sur les dynamiques d’échanges mais également sur les controverses.
Ils permettent :
 l’entrée en scène de nouveaux groupes sociaux,
 de nouvelles alliances,
 de nouvelles recherches entreprises qui vont être retenues ou écartées pour l’utilisation de l’eau,
 de nouvelles pistes de recherche à explorer.

11-3 Une importance croissante accordée aux observateurs de terrain

Pour comprendre ce point, il est commode de revenir à la notion d’état du monde possible développée par Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe en 2001. Cette exploration des mondes possibles, « c’est une question bien sûr politique, par exemple une société avec des véhicules thermiques et une industrie pétrolière est-elle préférable ou non à une société de pile à combustion En laissant la porte ouverte à de nouveaux acteurs représentatifs des enjeux, on se livre à de nouvelles configurations où les incertitudes scientifiques ne sont plus gérées par des spécialistes (à qui on demande de revenir avec des certitudes) mais où on accorde de plus en plus d’importance à la recherche de plein air avec cette découverte sur de nouvelles pistes à explorer ». Ce processus conduit à une amélioration continue.
Cette méthodologie complète la loi Bouchardeau sur les enquêtes publiques du 12 juillet 1983 qui vise notamment à renforcer la démocratisation de l’enquête publique conçue pour la protection de l’environnement.

11-4 Les solutions apportées ne sont jamais définitives

Quoi qu’il en soit, il faut bien garder à l’esprit que les solutions proposées ne peuvent pas être définitives, elles doivent être réfléchies en fonction d’un optimum fluctuant. En effet, de nombreux paramètres purement sportifs, politiques, économiques, sociaux, environnementaux nous laissent dans l’incertitude, le « moins mauvais que », voire dans des contradictions. D’autant plus que pour l’eau, l’essentiel de ce que l’on appelle la consommation moyenne d’eau par habitant s’effectue dans les activités de production et reste donc invisible à l’utilisateur final.

Bibliographie sélective dans l’ordre d’apparition dans le texte :
- CNOSF, (2006), la raison du plus sport, de la contribution du mouvement sportif à la société française.
- Patrick Matagne, (2005), les enjeux du développement durable, Edition l’Harmattan.
- Luc. Boltanski et Laurent Thévenot, (1991), De la justification, les économies de la grandeur, Edition Gallimard.
- Catherine Mougenot, (2003), Prendre soin de la nature ordinaire, Coédition INRA-MSH.
- Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe, (2001), Agir dans un monde incertain, Essai sur la démocratie technique, Paris, Le Seuil.
- Ouvrage collectif, (2000), Sports de pleine nature et protection de l’environnement, Colloque organisé par le. CRIDEAU-CNRS et le CDES, PULIM.
- Commission mondiale sur l’environnement et le développement – CMED- (1989), Notre avenir à tous, Montréal, Québec, Edition du Fleuve.
- Pierre Bourdieu., (1979), La distinction, Critique sociale du jugement, Paris, Les Éditions de Minuit.
- Christian Pociello, (1995), les cultures sportives, Edition PUF.
- Luc Boltanski, (1970), Taxinomies populaire, taxinomies savantes : les objets de consommation et leur classement, Revue Française de Sociologie, N°11.
- John Maynard. Keynes, (1971), Essais sur la monnaie et l’économie, Paris, Payot.
- Thorstein Veblen, (1978), Théorie de la classe de loisir (1899), Paris : Gallimard, coll. "Tel".
- Pierre Sansot, (1998), Du Bon Usage de la lenteur, Paris, Payot.
- Bernard Cathelat, (1990), les Sociostyles Systèmes, Paris, Edition d’Organisation
- Georges Picard (2001), Le vagabond approximatif, Librairie José Corti.
- Gérard Bertolini, (2000), le minimalisme, concept et pratiques d’éco-conception, Edition Economica.
- Nicholas Georgescu-Roegen, (1995), La décroissance. Entropie, écologie, économie, Paris, Sang de la terre.
- Michel Bernard, Vincent Cheynet, Bruno Clémentin, (2003), Objectif décroissance. Vers une société harmonieuse, Lyon, Parangon/ Silence/ Ecosociété.
- Amartya Sen, (2000), Un nouveau modèle économique : Développement, justice, liberté, Edition Odile Jacob.
- CNOSF, in Schéma du Service Collectif du Sport, le Sport en région, jeudi 27 janvier 2000, Maison du Sport Français.
- Bruno Latour, (1991), Nous n’avons jamais été modernes, essai d’anthropologie symétrique, Paris, Éditons la Découverte.
- Mathis Wackernagel et William Rees, (1999), Notre empreinte écologique, Edition Ecososciété.
- Mary Douglas, 1999, Comment pensent les institutions, Editions La Découverte et Syros.
- Alain Loret, (1993), Sport et management, de l’éthique à la pratique, Edition Dunod.
- Didier Lehénaff (2007) Sport, environnement, développement durable. Les Cahiers de l’INSEP n°37.
- Pierre Muller et Yves. Surel, (1998), L’analyse des politiques publiques, Paris. Montchrestien.
- AFNOR, FD X 30-021, mai 2003, SD 21000. Développement durable. Responsabilité sociétale des entreprises. Guide pour la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de l’entreprise.
- Pierre Lascoumes , (1994), l’éco-pouvoir, Edition La Découverte.

Sitographie sélective :
- Olivier Godard, Développement durable et principes de légitimité, Avril 2003, Cahier n° 2003-003 in http://ceco.polytechnique.fr/CDD/PDF/Archives%202003/2003-003.pdf
- Hervé Simon, département de la Drôme, Les espaces, sites et itinéraires : Quels statuts juridiques, quels propriétaires ? in http://salon.infosport.org/uploads/Documents/WEB_CHEMIN_687_1140501777.pdf
- Les outils de gestion intégrée de l’eau in http://www.gesteau.eaufrance.fr/sdage.html
- Le site portail de l’eau à l’UNESCO in http://www.unesco.org/water/index_fr.shtml
- Les Jeux Mondiaux de l’Environnement – Eco-Games Amériques in http://www.jeux-mondiaux-environnement.org/accueil.php3?id_rubrique=1&lang=fr&resol=800
- -Emile Durkheim, (1991), De la Division du travail social (1893), Paris, P.U.F. in http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/durkheim.html

Article rédigé pour , « Les entretiens de l’INSEP », mars 2007
Colloque « Sport et eau », organisé par l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP), la Maison de l’Environnement et du développement durable, l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines et l’association SVPlanète - un Sport Vert pour ma Planète bleue.



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